Face à la pénurie de médecins thermaux dans les stations, l’enseignement de la médecine thermale n’a jamais autant été au centre des discussions. Zoom sur une discipline qui manque de notoriété, malgré les nombreux avantages offerts par son exercice.
Des diplômes spécialisés et exigeants
Succédant en 1988 à une “Attestation d’Études” qui instaurait une scolarité d’un an, la “Capacité d’Hydrologie et Climatologie médicales” est le diplôme de référence pour l’enseignement de la médecine thermale. Cette formation, dispensée en deux ans, n’est ouverte qu’aux titulaires du diplôme de Docteur en Médecine, français ou étranger.
On comprend aisément que la perspective de devoir suivre jusqu’à 120 heures de cours et 50 demi-journées en stations thermales puisse refroidir plus d’un jeune médecin ayant déjà suivi un minimum de 9 années d’études (et plus selon les spécialités). Face à cet état de fait, les quatre universités qui délivrent la Capacité (Montpellier, Grenoble, Toulouse, Nancy) voient leur nombre d’inscrits diminuer au fil des promotions, dépassant aujourd’hui rarement les 10 étudiants.
Face à ce constat, le Professeur Hérisson, du CHU de Montpellier, a souhaité offrir une formation plus souple aux futurs médecins en introduisant un diplôme universitaire “†Pratique de la médecine en station thermale†” accessible aux étudiants dès la sixième année. Une formation de 60 heures comprenant du e-learning, un stage de 20 heures en cabinet de médecine thermale, deux demi-journées de visite en stations thermales†: ce programme alléchant a pour vocation d’ouvrir le monde de la médecine thermale aux futurs médecins.
S’il ne peut se substituer à la Capacité, qui reste le diplôme reconnu par l’Ordre des médecins, il permet néanmoins aux praticiens d’exercer la médecine thermale comme activité accessoire ou bien d’effectuer des remplacements au sein de stations en manque de médecin. Un premier pas bienvenu qui permet de tester les avantages de ce mode d’exercice avant de se lancer, le cas échéant, dans un nouveau cycle d’études.

Une discipline ancestrale au service d’une vision moderne de la médecine thermale
Conscients qu’il faut faire évoluer la discipline et lui apporter la légitimité qu’elle mérite, de nombreux spécialistes pointent du doigt la nécessité de “.rechercher une organisation autonome et complémentaire afin de pérenniser l’enseignement de l’hydrologie et de la médecine thermale.”*. Cela commence avant tout par une meilleure connaissance et reconnaissance de cette médecine par ses pairs : une médecine naturelle, sans e.et secondaire, dont les bienfaits ont été prouvés par de nombreuses études scientifiques indépendantes et exigeantes. D’année en année, les curistes sont de plus en plus nombreux à recourir au thermalisme pour soulager leurs pathologies, ce qui implique pour les stations d’engager plus de personnel soignant.; les curistes étant pris en charge, au-delà de leur suivi par le médecin thermal, par des kinésithérapeutes, des diététiciens et même des sages femmes en fonction des indications thérapeutiques.
L’image d’une médecine “.pour les seniors.”, alliée du bien vieillir, a longtemps collé à la peau de la crénothérapie et continue d’influencer les perceptions : elle permet aux curistes les plus âgés de conserver le plus longtemps possible mobilité et autonomie dans leur vie quotidienne, et de diminuer durablement leur consommation de biens de santé (médicaments et actes médicaux).
« La médecine thermale représente une solution pour de plus
en plus de Français atteints par des maladies chroniques. »
Cependant, si la médecine thermale a de beaux jours devant elle, c’est aussi parce qu’elle représente une solution pour de plus en plus de Français atteints par des maladies chroniques. Elle est particulièrement indiquée dans le suivi des maladies au long cours qui, si elles ne peuvent être guéries, nécessitent un suivi sur le long terme et une prise en charge globale, aussi bien physique que psychologique (suivi du traitement, acceptation de la maladie, hygiène de vie appropriée, échanges avec des patients connaissant les mêmes problématiques…).
Le point de vue des spécialistes : un même constat, plusieurs pistes de réponse
Face à la pénurie de médecins thermaux dans les stations, le cercle médical tente d’apporter des solutions pour redonner à l’enseignement de la médecine thermale une certaine attractivité. L’enjeu est important : sur les quelque 500 médecins thermaux encore en activité aujourd’hui, c’est au moins le quart qui devrait prendre sa retraite d’ici cinq ans, d’où la nécessité d’agir rapidement pour former une nouvelle génération de médecins thermaux, au risque sinon de subir une pénurie qui nuira à la qualité de la prise en charge des curistes.
Membre titulaire de l’Académie nationale de médecine et auteur prolifique d’ouvrages sur la médecine, le professeur Patrice Queneau propose de prévoir quelques heures dédiées à la crénothérapie dans le cursus de tous les étudiants en médecine ainsi que d’insérer un item relatif à la médecine thermale aux épreuves classantes nationales (ECN). Au cours de ses 40 années d’expérience dans le domaine, ce doyen émérite de l’université de médecine de Saint-Etienne de 1979 à 1997, avait pris pour habitude d’organiser des journées en station thermale, ouvertes aux étudiants de sixième année qui préparaient les ECN. Au programme : découverte des stations thermales et entretien avec les médecins thermaux. L’idée étant de confronter les étudiants à la réalité de la pratique de la crénothérapie et de s’assurer par eux-mêmes des bienfaits de la cure. Que ce soit en tant que médecin thermal ou comme médecin prescripteur, l’essentiel étant qu’ils y soient sensibilisés.
« Il est nécessaire d’agir rapidement pour former une nouvelle génération de médecins thermaux. »
Pour le docteur Hugues Desfour, rhumatologue et président du Syndicat des médecins thermaux, l’accent devrait être porté sur le salariat des jeunes médecins diplômés. En partant du postulat que les jeunes praticiens sont de plus en plus frileux à l’idée de se lancer dans une activité libérale, il lie la pénurie de médecins thermaux à une problématique plus large qui se pose depuis quelques années : la désertification médicale. Pour pallier cet e.et, certaines communes françaises, aidées financièrement par le département, ont déjà trouvé des solutions en proposant des contrats de travail aux médecins généralistes, avec des horaires fixes et des congés payés. Une piste qui est à étudier, voire à généraliser, pour les médecins thermaux, en créant un réel statut à part avec des avantages associés.
Devenir médecin thermal ? Et pourquoi pas ?
Nombreux sont les avantages à exercer en station thermale. Le premier à être cité concerne son environnement. Souvent implantées dans des communes à taille humaine, en montagne ou près de l’eau, les stations thermales o.rent un cadre de vie agréable où se conjuguent nature et douceur de vivre. Ce type de cadre est particulièrement apprécié par les amoureux des grands espaces et des sports d’extérieur (notamment de ski, avec des stations implantées dans les plus beaux massifs français).
« Des avantages environnementaux, pécuniaires et professionnels réels »
La proximité et le suivi des curistes sont souvent plébiscités par les médecins qui s’engagent dans la voie du thermalisme. Entouré de professionnels de santé et de confrères, le praticien est confronté à tout type de pathologies, parfois rares, et peut ainsi parfaire ses connaissances tout en partageant un moment particulier avec ses patients : c’est dans une démarche globale qu’il les reçoit et les suit, et a le luxe de prendre son temps et d’aborder avec eux l’ensemble de leur parcours de soins, mais aussi leur niveau de bienêtre, leur difficulté à suivre certains traitements, etc.
“ Last but not least ” : la rémunération. Un médecin thermal perçoit une rémunération forfaitaire moyenne de 95.€ par patient, après le premier jour de soin suivi, à laquelle s’ajoute une facturation supplémentaire pour les soins qu’il dispense directement.
* Extrait de l’article du Pr Christian Hérisson, La formation spécialisée en médecine thermale — capacité, D.U., D.I.U. Besoins et enjeux.
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